
Alors que le gouvernement sénégalais a fait du numérique un pilier central du développement socio-économique, la contribution du secteur au PIB (environ 8%) ne cesse de croître, soutenue par le développement des infrastructures numériques, l'adoption croissante des services technologiques et l'essor de startups innovantes.
"La digitalisation de la société, on la voit et on la vit ! L'essor des paiements digitaux a vraiment changé la donne", souligne Lamine Faye, fondateur de Mirahtec, start-up dakaroise spécialisée dans la création de solutions numériques personnalisées. Cet ingénieur en informatique est rentré au pays il y a deux ans (il travaillait auparavant au Canada), après avoir observé l'évolution de l'écosystème numérique sénégalais.
"Je voyais des choses se mettre en place progressivement avec de grands projets lancés par l'État, qui a compris que c'est un levier de développement très fort. On savait que le secteur allait exploser et on n'a pas eu tort". Aujourd'hui, le succès de Mirahtec lui permet d'affirmer : "On peut vraiment commencer à parler de hub numérique (…) On entend dire que des multinationales veulent s'implanter au Sénégal. C'est un signe".
Le New Deal Technologique
Des signes, il y en a d'autres. Le 1er octobre, le Sénégal a signé avec Google un protocole d'accord pour la création d'un cloud souverain, une première en Afrique de l'Ouest. Il s'agit d'une étape clé dans la mise en œuvre du New Deal Technologique, nom de la nouvelle stratégie numérique du pays (horizon 2034) qui vise à démocratiser l'accès à Internet pour tous, en particulier dans les zones rurales et frontalières, et à développer les compétences numériques.
Sur ce point, un programme de formation en Cloud, IA et cybersécurité sera mis en place en partenariat avec Google. À cette initiative s'ajoute le Projet d'Accélération de l'Économie Numérique au Sénégal (PAENS), lancé à l'été 2024, qui a pour mission d'étendre "l'accès à une connectivité à haut débit abordable et résiliente aux changements climatiques" et "d'améliorer l'adoption des services publics en ligne et des dossiers médicaux électroniques".


De quoi conforter les ambitions d'un pays qui a fait du numérique un pilier essentiel de sa stratégie de développement à long terme. De fait, le numérique joue un rôle de plus en plus important dans l'économie sénégalaise, devenant l'un des moteurs de la croissance économique et de la transformation sociale. Contribuant à la modernisation de plusieurs secteurs clés (finance, agriculture, éducation…) et facilitant l'inclusion financière, il a également dynamisé la création d'emplois, en particulier pour les jeunes, à travers le développement d'entreprises technologiques locales.
Des initiatives comme le programme « Sénégal Numérique 2025 » et le Startup Act, promulgué le 6 janvier 2020, visent également à renforcer cette dynamique.
"Le 1er octobre dernier, le Sénégal a signé avec Google un protocole d'accord pour la création d'un cloud souverain, une première en Afrique de l'Ouest"
Intelligence Artificielle et Souveraineté Numérique

De plus, en collaboration avec des géants de la technologie comme Meta, le gouvernement sénégalais met en place des initiatives ambitieuses pour faire de l'IA un levier de croissance stratégique. Parmi elles figure la création d'un centre de calcul dédié à l'IA, qui s'inscrit dans une stratégie plus vaste visant à positionner le Sénégal comme un leader africain dans ce domaine.
Pour un pays qui aspire à devenir un hub technologique en Afrique, il reste cependant à résoudre la question de la souveraineté numérique. Derguene Mbaye, fondateur de Baamtu technologies et GalsenAI, considère le sujet avec pragmatisme. "Est-il possible, aujourd'hui, de faire sans les GAFAM ? L'ouverture est intéressante tant que l'on est conscient des enjeux en matière de souveraineté".
Un avis partagé par Lamine Faye : "On ne peut parler de souveraineté tant qu'on n'a ni les moyens ni l'ambition de mettre en place ces ressources et de former la jeunesse. Nous sommes très en retard par rapport à des structures comme Google et chaque jour qui passe, les autres nous devancent de plusieurs kilomètres".
D'où l'importance selon lui de "trouver des mécanismes alternatifs pour financer les startups, notamment dans la R&D". Le gouvernement, précise-t-il, "doit accompagner et financer, car on ne se développe qu'avec la recherche". Et d'ajouter : "Nous devons également mieux nous organiser pour travailler ensemble, faire des joint-ventures entre startups (…) Se compléter, c'est notre prochain défi. Sinon, nous ne ferons pas le poids face aux multinationales".
Réunir les avis et expériences, c'est justement le sens de la consultation nationale lancée sous la direction du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique Alioune Sall, afin d'élaborer une stratégie numérique 2025-2029. Et c'est ce qui fait incontestablement la force du numérique sénégalais : un écosystème réunissant tous les acteurs concernés – publics, privés, société civile –, avec le même objectif : faire du Sénégal un leader technologique en Afrique.